Dimanche 28
octobre 2012, 5h du matin.
Comme chaque
matin, c’est le son criard du haut-parleur local qui me réveille ou plutôt me
tire complètement et définitivement du demi-sommeil où je suis. Il ne pleut
pas. On le sait facilement en tendant un peu l’oreille. Les jours de pluie
comme les deux jours précédents, le bruit de l’eau dégoulinant des toits nous
signale qu’il est inutile d’espérer une éclaircie. Ce matin, assuré qu’il ne
pleuvra pas, il n’est pas encore la demie de 5 heures, je suis sur la petite route où j’ai l’habitude
de courir. Le jour se lève. A l’horizon, les nuages violet indigo, gris de Payne
traînent dans un ciel de cuivre rouge. La chaussée est encore bien mouillée par les pluies de la veille et
je dois zigzaguer entre des flaques. Dans les rizières inondées, les chaumes
laissés après la récolte dessinent de fins liserés sombres.Une troupe caquetante de canards s'y précipite avec envie poussée par la longue perche de bambou au bout de laquelle la gardienne à accroché un sac en plastique. Les quelques femmes
que je croise régulièrement à hauteur de l’école du village me saluent d’un
sourire indiquant qu’elles aussi ont été privées de leur promenade matinale. Je
descends la route direction le hameau numéro 7 vers la mangrove de palmiers nypa. Sur sa
mobylette chargée de paniers et de bassines, la marchande de crevettes part au
marché. Une femme réchauffe sur un trépied la soupe que ses habituels clients
vont venir prendre au petit-déjeuner. Des hommes rejoignent leurs amis pour
partager le premier café, les premières cigarettes et la première partie de
cartes. Ces cafés n’ont rien des cafés tels qu’on en voit dans les pays
occidentaux ou dans les grandes villes. Il s’agit d’une maison d’habitation
devant laquelle on a monté une charpente de tubes métalliques recouverte de tôles,
quelques tables et tabourets en plastique pour mobilier. Lorsque j’arrive sur
la digue en béton qui traverse la mangrove de palmiers d’eau, le soleil se
montre déjà à travers les nuages bleus céruléens dans un ciel rose orangé. Trois
vieilles femmes accroupies se détournent un instant de leur bavardage pour
répondre à mon « Chao bà » (Bonjour mesdames) étonnées que je les
salue en vietnamien. C’est par un « hello » que me salue plus loin un
petit garçon ! Rencontres habituelles avec la marchande de lait de soja et
celle qui porte sur l’épaule sa palanche chargée de liserons d’eau. Le marchand
de pain sur son vélo, bleu de travail et casque blanc de chantier, annonce son
passage « banh my day » (du pain ici). Un couple de voisins attache
les vrilles de haricots sur un treillis de bambous. Ils sont tous deux bien que
très âgés restés d’une souplesse étonnante. Lorsque j’ai terminé ma boucle pour
revenir à la maison, chaque chose est baignée d’une lumière jaune impalpable. Brève
éclaircie néanmoins car bientôt une fine pluie vient nous rappeler que nous
sommes bien en saison humide.